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ne laisserait nulle place à l’action humaine. Mais Dieu est une personne, et l’homme est une personne. Entre personnes il y a d’autres relations que celles des corps. Par l’amour, elles s’unissent sans cesser d’être distinctes ; elles se pénètrent sans s’absorber. Telles les trois personnes de la Trinité divine. Et ainsi la Providence peut conférer à celles de ses créatures qui sont des personnes la dignité de la causalité. Il est possible qu’elle nous emploie nous-mêmes à l’œuvre de la conversion de nos semblables ; que nos prières, nos raisonnements, nos libres efforts, soient la manifestation, prévue et voulue par Dieu, de l’action intérieure de la grâce. Certes, Dieu seul peut nous convertir ; mais son action admet et commande la nôtre.

Nous voyons par là comment nous devons agir. Par nous-mêmes nous ne pouvons rien. Si donc l’écrivain se propose sa propre gloire et se flatte de triompher par son éloquence, son discours ne vient pas de Dieu et est sans force pour le bien. Pour être efficace, la parole doit être l’expression humaine de la voix divine. Celui qui veut annoncer la vérité doit s’humilier et s’anéantir devant elle.

Une fois pénétré de cet esprit, on peut et on doit user, selon ses forces, de tous les moyens que la nature et l’art mettent à notre disposition.

Nous savons que l’art de persuader a deux parties, qui correspondent aux deux entrées de l’âme humaine : l’art de convaincre, qui s’adresse à l’entendement, et l’art d’agréer, qui s’adresse à la volonté. De l’art de convaincre les géomètres nous offrent le modèle. L’art d’agréer a, lui aussi, ses règles, qui