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prétendez point dominer les hommes par la force, mais contentez leurs désirs, soulagez leurs nécessités, mettez votre plaisir à être bienfaisant selon le monde. Ceci, il est vrai, ne mène pas loin ; et si vous en restez là, vous vous perdrez en honnête homme, mais vous vous perdrez. Il faut faire plus : il faut mépriser la concupiscence et son royaume, et aspirer à ce royaume de charité où tous les sujets ne désirent que les biens de la charité.


Tandis que Pascal s’appliquait ainsi, sans plus se mêler aux querelles des hommes, à développer sa piété en lui-même et chez les autres, il fut brusquement rejeté dans les cruels conflits de la conscience et de la force.

Depuis 1657, la question du formulaire paraissait tombée dans l’oubli, et Port-Royal respirait. Les solitaires, peu à peu, revenaient au désert. Mais en. 1661, la cour, qui voulait en finir avec la faction de Retz, et qui considérait Port-Royal comme le foyer de la résistance, demanda que l’on renvoyât toutes les pensionnaires, ainsi que les novices et les postulantes. Les vicaires généraux du cardinal rédigèrent alors un mandement pour ordonner la signature du formulaire. Ce mandement était, paraît-il concerté avec Port-Royal ; on dit même que Pascal avait contribué à la rédaction. Mais les religieuses trouvèrent que, si le mandement était obscur et embarrassé, en revanche le formulaire qui le suivait n’était que trop clair. Et elles furent saisies d’inquiétude à la pensée de signer ; car l’ombre même du mal faisait peur à ces saintes filles. On leur demandait de condamner la doctrine de Jansénius comme n’étant pas celle de saint Augustin. Elles appréhendaient que cette distinction ne fût fausse, et qu’en