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Elles le sont par une grâce actuelle que Dieu accorde toujours à tous les hommes. Mais ceci est une question de fait. Les faits ne dépendent pas de nous. Nous devons nous y soumettre. Or, selon l’expérience, ceux qui sont plongés dans le vice et l’impiété manquent précisément de la connaissance et de l’inspiration, sans lesquelles vous dites qu’il n’y a point de péché. Les justes du moins ont toujours l’une et l’autre. Ignorez-vous donc qu’il y a des péchés dont on n’a pas conscience ; que l’homme peut se porter à des actions mauvaises en les croyant bonnes, et qu’il n’en est pas moins coupable ? Autrement, comment les justes auraient-ils des fautes cachées ? Comment serait-il véritable que les plus saints doivent toujours demeurer dans la crainte et le tremblement, selon l’Écriture ? Ne dites donc plus, avec vos nouveaux auteurs, qu’on ne saurait pécher quand on ignore la justice. Mais plutôt dites, avec saint Augustin : Necesse est ut peccet, a quoi ignoratur justitia. — Péché d’ignorance n’est point péché. — La seule ignorance qui nous puisse absoudre, c’est celle du fait, non celle du droit.

Ainsi se poursuit l’entretien avec le Père jésuite. Celui-ci est très obligeant, très affectueux, très doux, très adroit. Il continuerait la conversation avec plaisir, si l’on ne venait l’avertir que Mme la Maréchale de…, Mme la Marquise de… le demandent. Montalte ne lui a pas ménagé son admiration pour les belles conséquences de ses doctrines. Mais déjà il mêle quelque gravité à la plaisanterie. Car déjà le sujet n’est plus de pure théologie il touche à la morale. Si les jésuites ont raison, l’action tran-