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Nicole prépara même le plan de plusieurs lettres, et les revit pour la plupart.

En revanche, Pascal apportait dans ce débat des qualités et des dispositions propres à lui fournir des armes d’une singulière puissance. Déjà les jansénistes, à l’exemple des protestants, s’étaient adressés au public, mais sans quitter leur point de vue de théologiens et d’érudits. Pascal, lui, n’a point de caractère spécial : c’est un homme. De la nature humaine il a compris, il a éprouvé les tendances profondes et universelles, les besoins, les désirs, les passions, les joies, les amours. Et l’homme est le centre auquel il a rattaché tout ce qui est. La religion même, il l’envisage dans son rapport à l’homme. Ce n’est donc plus un théologien qui va écrire pour des théologiens c’est un homme qui va parler à l’humanité. Une question d’école allait ainsi se transformer en un appel au bon sens, à la conscience, à l’honnêteté qui se retrouvent dans toute âme humaine.

Et la forme, le ton, le langage allaient présenter le même caractère. Pascal hait le pédantisme, les expressions convenues, le langage technique, la rhétorique et les procédés. Mais dans toutes ses paroles il vise le cœur, et il ne néglige rien pour l’intéresser. Il est doué d’une verve, d’une imagination, d’un esprit caustique, dont il a expérimenté les effets. Il a l’idée d’un art de parler et d’écrire proprement humain, dont les effets sur la volonté ne seraient pas moins sûrs que ceux de la démonstration sur l’intelligence. Il va donc traiter des questions les plus abstruses d’un autre air que les hommes du métier. Il va parler le langage des honnêtes gens, donner à