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Serait-ce donc que les idées mathématiques ne valent que par la manière dont elles sont enfilées ou par l’usage pratique qu’on en peut faire ?

Ce n’est point là, certainement, ce que l’on a pensé ; mais la science théorique, considérée en elle-même, — l’Analyse pure, comme on a l’habitude de l’appeler — n’est susceptible d’intéresser qu’une minorité d’individus dont les programmes d’études ne peuvent point ou guère tenir compte.

C’est à cette minorité — non négligeable, il s’en faut — que s’adresse le présent ouvrage. Futurs professeurs de mathématiques ; étudiants qui ont reçu une éducation principalement « intuitive », ou technique, et qui ont le désir de la compléter ; philosophes d’origine dont l’attention est attirée vers les sciences — il est, croyons-nous, un certain nombre de personnes qui aimeraient à jeter un coup d’œil d’ensemble sur l’Analyse mathématique, qui sont curieuses d’en connaître la signification intrinsèque et l’évolution historique. Peut-être pourrons-nous faciliter la tâche de ces personnes en cherchant à donner, sur un plan élargi, un pendant et une suite aux Notions de Mathématiques de Jules Tannery[1].

De l’Analyse mathématique nous avons surtout en vue le contenu. Ce sont les faits mathématiques, étudiés objectivement et pour eux-mêmes, qui retiendront notre attention plutôt que les procédés, souvent artificiels, par lesquels ces faits sont découverts et contrôlés. Aussi laisserons-nous de côté — tout en en faisant

  1. Delagrave, 5e édit., 1910. — Il n’existe, croyons-nous, aucun ouvrage qui réponde d’une façon complète au besoin que nous signalons ici, mais il en est d’excellents où les personnes déjà quelque peu au courant des mathématiques, pourront apprendre beaucoup. Telles sont les leçons sur les mathématiques élémentaires Elementarmathemat. vom höheren Standpunkt am) de Félix Klein, où l’on retrouvera la marque de ce prestigieux talent qui rend l’enseignement de M. Klein si vivant et attachant. Nous devons signaler aussi le récent ouvrage de M. Léon Brunschvicg Les étapes de la philosophie mathématique, Alcan, 1911 qui est sans doute l’étude philosophique la plus complète et la plus suggestive à laquelle ait donné lieu de nos jours l’Analyse mathématique. Nous avons nous-même mis fréquemment à profit, dans notre travail, la lecture de ce livre et les conseils que M. Brunschvicg a bien voulu nous donner personnellement.