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LA MONADOLOGIE.

que chose d’artificiel et n’ont plus rien, qui marque[1] de la machine par rapport à l’usage, où la roue était destinée. Mais les machines de la nature, c’est-à-dire les corps vivants sont encore machines dans leurs moindres parties, jusqu’à l’infini. C’est ce qui fait la différence entre la Nature et l’Art, c’est-à-dire, entre l’art Divin et le nôtre (§ 134, 146, 194, 483).

65. Et l’auteur de la nature a pu pratiquer cet artifice divin et infiniment merveilleux, parce que chaque portion de la matière n’est pas seulement divisible à l’infini comme les anciens ont reconnu[2], mais encore sous-divisée actuellement sans fin, chaque partie en parties, dont chacune a quelque mouvement propre[3], autrement il serait impossible, que chaque portion de la matière pût exprimer tout l’univers[4] (Prélim. [Disc. d. 1. conform.], § 70. Théod. § 195).

66. Par où l’on voit qu’il y a un monde de créatures, de vivants, d’animaux, d’entéléchies, d’âmes dans la moindre partie de la matière.

  1. Qui porte la marque, le caractère de la machine.
  2. Aristote considérait l’indivisibilité des particules des corps comme inconciliable : 1° avec les principes des mathématiques (De Cœlo, III, 1, 298, b, 33), 2° avec l’existence du mouvement (Phys., VI, 1, 231, b. 18), 3° avec l’existence du changement qualitatif (Phys., VI, 4). Il niait de même l’existence du vide. La doctrine de la grandeur continue lui paraissait être celle qu’il fallait adopter, si l’on voulait être en mesure de réfuter les objections de Zénon d’Élée contre la réalité du mouvement.
  3. Voy. supra, p. 159, n. 1.
  4. Car l’univers se compose en réalité d’une infinité de monades sans connexion physique entre elles. La seule manière dont le monde des corps puisse imiter ce caractère du monde des âmes, c’est la division actuelle à l’infini.