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l’enchaînement des faits physiques et l’enchaînement de leurs conditions mécaniques. Or cette seconde équivalence semble inintelligible, parce que, tandis que la variable est homogène, l’élément qui doit en être fonction est hétérogène. Le mouvement est susceptible de changer d’une manière continue : il n’en est pas de même de la transformation d’un état physique ou chimique en un autre. Quels sont les états physiques intermédiaires entre l’état électrique des pôles de la pile et l’état lumineux du charbon ? Les états physiques proprement dits peuvent-ils varier aussi peu que l’on veut, de même que leurs conditions mécaniques ? Enfin, n’y a-t-il pas des cas où le parallélisme semble effectivement violé, comme lorsque l’addition d’une faible quantité de mouvement transforme un phénomène chimique en phénomène lumineux et un phénomène lumineux en phénomène calorifique, ou fait passer un corps d’un état à un autre, c’est-à-dire produit brusquement un phénomène tout nouveau ?

Ainsi il n’y a pas équivalence complète entre l’ordre des phénomènes physiques proprement dits et celui de leurs conditions mécaniques ; et la loi des uns n’est pas préjugée par celle des autres.

On est donc amené, pour juger de la nécessité interne du monde physique proprement dit, à l’examiner en lui-même, c’est-à-dire à laisser de côté la partie mathématique des sciences physiques pour en considérer la partie descriptive. Il est clair qu’à ce point de vue, on ne peut arriver à des résultats précis analogues à ceux que l’on obtient en considérant uniquement les phénomènes mécaniques engagés dans les phénomènes physiques. Mais la science mathématique n’est apparemment pas le type unique de la connaissance. Quelle sera donc, en ce sens, la loi du monde physique ?

En dépit des apparences, il n’est pas vraisemblable que la