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au hasard, alors que l’on ignorait l’existence de Neptune.

Mais comment déterminer la loi propre au monde physique, distingué du monde mécanique ? La science positive abandonne de plus en plus le point de vue descriptif, qui ne peut fournir de données précises, et ramène, autant que possible, les phénomènes physiques, relativement qualitatifs, à des phénomènes mécaniques relativement quantitatifs. Par exemple, elle n’étudie pas la chaleur elle-même, mais bien dans son équivalent mécanique. Elle cherche de même l’équivalent mécanique de l’électricité et des autres agents physiques. De la sorte, c’est aux mathématiques elles-mêmes que revient la tâche de déterminer scientifiquement la loi des phénomènes physiques.

Si le parallélisme que suppose cette méthode est absolu, il ne peut être question d’une contingence propre à l’élément non mécanique des phénomènes physiques : la loi physique mécanique donne exactement la mesure de la loi physique proprement dite. Or est-il certain que l’ordre mécanique impliqué dans l’ordre physique en soit, à la lettre, l’équivalent ?

En un sens, l’expression d’« équivalence» peut être parfaitement légitime : il peut être exact que tel phénomène physique, considéré isolément, est toujours accompagné de tel phénomène mécanique. Mais en ce sens, l’équivalence mécanique des phénomènes physiques ne peut fournir la loi propre à ces derniers, parce qu’il reste à savoir s’il n’y a pas action et réaction entre les deux ordres de phénomènes, et si l’élément physique proprement dit n’influe pas sur l’élément mécanique.

Pour que la loi mécanique puisse être considérée comme la traduction de la loi physique proprement dite, il faut que l’équivalente existe, non seulement entre les deux ordres de faits, mais entre les deux ordres de rapports, entre