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ne se crée », ou bien enfin « La quantité d’être demeure immuable ».

On ne peut considérer cette loi comme donnée avec l’être lui-même ; car l’idée d’uniformité et d’immutabilité est étrangère à l’être donné comme tel, lequel consiste essentiellement dans une multiplicité de phénomènes variés et changeants. La loi de causalité est la synthèse de deux éléments irréductibles entre eux, le changement et l’identité : il ne suffit pas que l’un des deux termes, le changement, soit admis comme réalisé, pour que l’adjonction de l’autre s’ensuive analytiquement.

Mais peut-être cette loi est-elle nécessaire comme affirmation spontanée de la raison. Peut-être est-elle conçue à priori, et, à ce titre, imposée à l’être.

Où trouver, peut-on dire, dans les données de l’expérience, un objet correspondant au terme « cause », qui signifie « pouvoir créateur », et un rapport correspondant au lien de « génération », que l’esprit établit entre la cause et l’effet ?

Si la question est ainsi posée, le principe de causalité est certainement à priori. Mais ce n’est pas en ce sens qu’il est impliqué dans la connaissance du monde donné. L’idée d’une cause génératrice ne saurait rendre aucun service à celui qui, comme le savant proprement dit, recherche uniquement la nature et l’ordre des phénomènes. En réalité, le mot « cause », lorsqu’on l’emploie en matière scientifique, veut dire « condition immédiate ». La cause d’un phénomène, en ce sens, c’est encore un phénomène, ce ne peut être qu’un phénomène : autrement la recherche des causes ne serait plus du domaine des sciences positives ; seulement, c’est un phénomène qui doit préalablement exister pour qu’un certain autre se réalise.

Mais, dira-t-on, c’est effectivement par erreur que la cause