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sible de rattacher les formes supérieures aux formes inférieures par un lien de nécessité.

Raisonne-t-on a priori ? L’on ne peut tirer les formes supérieures des formes inférieures par voie d’analyse, parce qu’elles contiennent des éléments irréductibles à ceux des formes inférieures. Les premières ne trouvent dans les secondes que leur matière et non leur forme. Le lien des unes par rapport aux autres apparaît comme radicalement synthétique.

Ce serait pourtant un lien nécessaire, s’il était posé par l’esprit, en dehors de toute expérience, dans un jugement synthétique causal à priori. Mais les formules qui supposeraient une origine à priori ne sont pas celles qui s’appliquent aux choses données ou même à la connaissance de ces choses ; tandis que les formules qui expliquent véritablement la nature des choses données dérivent de l’expérience elle-même.

L’existence des divers degrés de l’être n’est donc pas nécessaire en droit.

Le raisonnement a posteriori prouve-t-il qu’elle le soit en fait ?

Lors même que la science a pu prendre la forme déductive, il ne s’ensuit pas que les conclusions en soient objectivement nécessaires. La valeur des conclusions est précisément celle des principes fondamentaux ; et, si ces derniers sont contingents, la contingence s’en transmet nécessairement à toutes les propositions que le syllogisme en fait sortir. Or toute science purement déductive a un caractère abstrait et subjectif. Les définitions exactes ne sont possibles qu’à ce prix. Ce sont des synthèses artificielles de concepts, appauvris de manière à devenir entièrement intelligibles. On ne peut donc appliquer aux choses elles-mêmes la détermination inhérente aux définitions des sciences déductives.