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minées en partie par l’âme elle-même, et quelle est, en ce sens, la part de l’influence psychique sur la production de ces conditions.

Mais, s’il est impossible de déduire la nécessité des phénomènes psychologiques de leur correspondance avec les phénomènes inférieurs, ne trouve-t-on pas, dans le monde psychologique considéré en lui-même, la preuve que les fondements en sont immuables et l’évolution nécessaire ?

L’application possible et fructueuse de la statistique à l’étude des phénomènes psychologiques, la découverte de moyennes morales constantes semblent indiquer que ces phénomènes sont soumis à une loi fondamentale analogue aux lois des mondes inférieurs, et que cette loi consiste dans la permanence de la même quantité d’énergie psychique.

Ce n’est pas tout. La loi de la conservation de la force, en mécanique, n’est pratiquement vraie que pour un ensemble de mouvements suffisamment considérable, tel que le système solaire. En physique et en chimie, l’application de la loi de conservation se particularise, et chaque forme de la matière tend énergiquement à conserver ses propriétés. Chez les êtres vivants, la conservation de la forme est plus particulière encore. Elle s’applique à l’essence spécifique. L’organisme typique, continuellement entamé par les forces étrangères, se sert de ces forces mêmes pour réparer ses brèches. Chez l’être pensant, l’énergie est personnifiée. En chacun de nous, elle a conscience de sa permanence, et sent un penchant invincible à s’attribuer l’éternité.

L’âme a, sans doute, sa croissance et ses vicissitudes. Mais, si l’on admet l’existence de forces psychiques latentes ; si l’on remarque l’affaiblissement graduel de certaines facultés, à mesure que d’autres se développent ; si l’on observe que, pour chaque homme, il y a généralement un