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Dira-t-on que l’acte de conscience est la perception d’une différence ? Mais la perception suppose un sujet pensant.

Dira-t-on que la conscience ne diffère des phénomènes physiques que par l’absence de simultanéité dans les états ; que, d’ailleurs, l’ordre successif, commun aux phénomènes psychologiques et aux phénomènes physiologiques, range les uns et les autres dans le même genre ? Mais pourquoi la succession pure et simple impliquerait-elle le sentiment de soi-même, tandis que la succession jointe à la simultanéité l’exclurait ?

La conscience est-elle une accumulation de force vitale, due aux excitations venues du dehors et à la centralisation du système organique ? Mais comment la force vitale acquerrait-elle, en s’accumulant, une propriété qu’elle ne manifeste à aucun degré quand elle est à l’état de dispersion ?

La conscience n’est-elle que le conflit de forces externes avec les tendances de l’organisme ? Mais pourquoi ce conflit produit-il la conscience, tandis que le choc d’un corps contre un autre ne la produit pas ?

En somme, on ne sort pas de cette alternative : ou bien on introduit artificiellement la conscience dans le fait organique d’où il s’agit de la déduire ; ou bien, prenant tout d’abord la conscience telle qu’elle est, on se trouve dans l’impossibilité de la ramener, par une marche entièrement analytique, à un fait purement organique.

À vrai dire, ce qu’on analyse ici, sous le nom de conscience, ce n’est pas la conscience elle-même, ce sont, ou ses conditions, ou son objet. Ses conditions forment un ensemble complexe, réductible peut-être, en tout ou en partie, à des éléments physiologiques et physiques. De même, son objet (sensations, pensées, désirs), considéré en lui-même, forme un ensemble complexe, qui peut présenter, avec la succession des faits physiologiques, un parallélisme plus ou moins