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pour l’esprit à ce que les corps s’attirassent en raison inverse de la distance, au lieu de s’attirer en raison inverse du carré de la distance. Purement expérimentales, les lois de déterminisme ne peuvent prétendre à l’exactitude et à la rigueur absolues. Elles ne peuvent, par elles-mêmes, dénoter un enchaînement nécessaire. Elles ne deviendraient des lois de nécessité que si l’on pouvait les ramener aux lois de conservation et finalement à la formule a est a, ou si, du moins, on avait de solides raisons pour croire qu’en droit elles s’y ramènent. Mais cette réduction à l’unité de l’expérimental et du logique nous est impossible. Ou nécessité sans déterminisme, ou déterminisme sans nécessité : voilà le dilemme où nous sommes enfermés.

Cependant, dira-t-on, puisque nos lois se vérifient, il est du moins naturel et moralement nécessaire de les tenir pour immuables. Mais cette conclusion dépasse l’expérience ; on ne sait pas si les lois physiques sont fondamentales et primitives, ou si elles ne sont que des résultantes. Interrogés à ce sujet, les physiciens, ou refuseraient de répondre, ou inclineraient pour la seconde manière de voir. La loi même de la gravitation ne fut pas considérée par Newton comme une loi première. Mais il refusa d’en chercher les causes, disant, à ce sujet, qu’il ne faisait pas d’hypothèses. Nous isolons ces lois pour la commodité de notre étude, et parce que l’expérience nous y autorise sensiblement. Mais qui nous dit qu’elles sont un absolu, qu’il existe ainsi un côté de la nature qui se suffit, qui ne subit pas l’influence du reste ? Tous ces éléments de la réalité, qualités et formes de l’être, qu’il a fallu éliminer pour constituer la physique comme science, demeurent-ils, dans la réalité, inactifs, au-dessus