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répond exactement à la nature des choses elles-mêmes.

Nous remarquons d’abord que la sociologie naturaliste fait pendant à la psychologie exclusivement expérimentale. Comme celle-ci veut expliquer les faits psychologiques en faisant abstraction de l’âme, de même celle-là veut rendre compte des faits sociologiques en faisant abstraction de l’homme. Elle refuse de faire appel à une faculté proprement humaine, à la finalité consciente et réfléchie. Expliquer les phénomènes, déclare-t-on, c’est les conditionner sous la loi des causes efficientes. Si donc la sociologie veut être une science comme les autres, les faits y doivent être reliés à des conditions, non à des fins.

Admettons que la sociologie doive être une science. Quelle en sera la forme ? Au temps où les sciences mathématiques étaient les plus développées, on voulait que cette forme fût mathématique. Aujourd’hui que les sciences naturelles prennent un admirable essor, on se les propose pour modèle. Il y a là une influence historique, plus qu’un phénomène nécessaire. Pourquoi la sociologie ne réclamerait-elle pas des postulats particuliers et une méthode propre, comme le pensait Auguste Comte ? Il ne suffit pas de dire : la sociologie doit revêtir telle forme, elle ne sera science qu’à ce prix. La science est-elle une entité une et indivisible, et ne se pourrait-il pas qu’il y eût des sciences véritablement différentes, possédant chacune son originalité ?

Quelle est maintenant la nature des lois auxquelles aboutit la sociologie ? La tentative là moins hardie parait être de poser des lois dites historiques. Ces lois ont pour caractère de relier le présent au passé par voie de causalité efficiente. L’idée est assez nette; mais lorsque de la théorie passe à la pratique, on se heurte à des [129]