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l’esprit scientifique domine. Les questions sociales elles-mêmes vont être traitées dans un sens rationaliste. Descartes, quant à lui, les écarte comme irréductibles à l’évidence mathématique. Mais Hobbes trouve le moyen de traiter de la société à un point de vue scientifique et suivant la méthode mathématique elle-même. Il part de cette idée que l’organisation sociale est une œuvre réfléchie (artefact) de la raison humaine, analogue aux machines matérielles. Si donc on a une fois déterminé l’objet de l’organisation sociale, cette organisation pourra s’en déduire mathématiquement. Or, selon Hobbes, le propre de l’homme est d’être intelligent ; et son intelligence fait de lui un être égoïste : homo homini lupus. De là la guerre de tous contre tous. A l’occasion de ce phénomène, la raison humaine conçoit le bien général. Dès lors se pose à elle le problème de réaliser le bien général en opérant sur des êtres dont l’essence est l’égoïsme. Ce problème, Hobbes le résout déductivement. L’observation et la raison ont fourni les principes, la méthode mathématique tire les conséquences.

Chez Montesquieu, la méthode est encore mathématique pour une forte part. Son point de départ, c’est la nature de l’homme considéré avant l’établissement des sociétés. Cette nature porte les hommes à s’unir. Mais, aussitôt qu’ils sont en société, ils perdent le sentiment de faiblesse qu’ils avaient primitivement ; l’égalité qui était entre eux cesse, et l’état de guerre commence. Le problème consiste à organiser la société de manière à recouvrer, au sein même de cet état nouveau, l’état primitif de paix et de liberté. La déduction détermine les conditions requises pour que ce résultat soit atteint. Reste ensuite à appliquer ces principes aux différents cas qui se présentent dans le monde, comme le mécanicien [126]