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ils [118] pas des uniformités mécaniques ? Les habitants de Kœnigsberg mettaient leur montre à l’heure en voyant le philosophe Kant faire sa promenade journalière.

Pour essayer de combler les lacunes inséparables de l’associationnisme, la psychologie physique considère l’âme dans ses rapports avec l’organisme. Elle espère superposer une psychologie vraiment scientifique à la psychologie descriptive, en étudiant le phénomène psychique dans la totalité de ses éléments et conditions, et en cherchant dans le mécanique l’explication du conscient. Considérons d’abord la négation impliquée dans cette méthode. La psychologie physique nie l’efficacité du vouloir comme tel. Cette négation est-elle légitime ? Elle se présente à nous tout d’abord comme une fin de non-recevoir. La psychologie physique, déclare-t-on, procède comme la chimie ou la physique : elle n’affirme pas, elle ne nie pas le libre arbitre ; elle l’ignore, parce qu’il n’est pas de son domaine. Or il s’agit de savoir si cette ignorance volontaire est, en psychologie, aussi légitime que dans les sciences précédentes. Celles-ci portent sur des phénomènes très éloignés de l’esprit et sensiblement isolables des manifestations de la volonté. Leurs domaines sont fixés par des définitions qui ont encore quelque chose de la liberté des définitions mathématiques. Si le physicien rencontre des faits qui ne rentrent pas dans le cercle qu’il s’est tracé, il les renvoie à d’autres chercheurs. Peut-on de même, en abordant l’étude de l’âme, annoncer qu’on ne s’occupera de rien de ce qui manifesterait une volonté libre ? Ne risque-t-on pas, ici, d’imposer à la nature une délimitation qu’elle ne comporte pas ? En ce qui concerne les sciences de la matière, l’événement a montré la légitimité de la [119]