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deux idées pour que l’une soit dite cause de l’autre, on est toujours en droit d’ériger en cause l’antécédent et d’expliquer l’apparition d’une idée par une simple association. Le système fournit des tables de présence. Il néglige de dresser et de discuter les tables d’absence. Que d’idées sont contiguës dans la conscience sans s’associer ! Il faudrait aussi s’assurer que les explications par association, que chacun de nous aime à fournir, ne sont pas de simples produits de l’imagination, inventant, selon ses goûts et ses habitudes, un roman dont le dénouement coïncide avec l’état de conscience à expliquer.

Ce n’est pas tout. Non seulement les lois d’association restent vagues et hypothétiques, mais il est des cas où elles sont manifestement insuffisantes pour expliquer les phénomènes. Ce sont les cas, si nombreux certainement, et qui chaque jour nous semblent plus fréquents, où des influences inconscientes ou physiques s’intercalent entre les états de conscience. Considérez, par exemple, les idées dues à des impulsions. Les expliquera-t-on par d’autres idées ? N’en cherchera-t-on pas bien plutôt la raison dans des conditions organiques ? Si l’inconscient, si le physique jouent un rôle dans la production de nos idées, la conscience ne peut saisir que des tronçons épars, et manque de moyen pour les relier entre eux.

Artificielles, hypothétiques, vagues et superficielles, les lois d’association ne peuvent fonder un déterminisme. Là même où elles réussissent, elles n’ont pas une telle portée. C’est une erreur de croire qu’une action est connue comme déterminée d’une façon nécessaire par cela seul qu’on peut la prévoir. Pourquoi l’habitude, le caractère, le sentiment, la volonté même n’engendreraient-