Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/313

Cette page n’a pas encore été corrigée

Descartes conclut que, s'il est possible de trouver quelque moyen qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles, c'est dans la médecine qu'on le doit chercher.

Ainsi s'achève, semble-t-il, l'édifice projeté par Descartes. Une morale en est le couronnement, mais combien différente de celle qui est indiquée dans le Discours de la Méthode ou dans les Lettres ! Celle-ci, toute pénétrée d'esprit antique ou d'influences chrétiennes, était une exhortation, une métaphysique ou une religion. Celle des Principes et du Traité des Passions n'est autre chose que la dernière et la plus immédiatement pratique application de la science moderne. Selon la première, l'homme devait chercher en dehors du monde, dans les perfections qui dépendent uniquement du libre arbitre, dans la résignation, dans la constance, dans l'amour mystique de Dieu et des hommes, les objets appropriés à sa volonté. Selon la seconde, l'homme, simple partie de la nature, ne saurait viser à autre chose qu'à maintenir l'intégrité de son existence en utilisant à son profit [508] le mécanisme universel. Or on voit clairement comment cette morale scientifique sort des entrailles de la philosophie cartésienne, tandis que la première parait demeurer en dehors du développement logique de cette philosophie.

Convient-il pourtant de s'en tenir à ce résultat, et de proclamer que Descartes, comme philosophe, ne connaît d'autre morale que la science appliquée ?