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également, il préféra plus d'une fois le silence au risque de la persécution.

Toutefois on peut se demander si, dans l'œuvre qu'il nous a laissée, les idées morales et les doctrines physiques font bien partie d'un seul et même système, ou si elles ne sont pas comme deux fleuves qui vont parallèlement sans mêler leurs eaux. Sans doute Descartes nous donne les règles de sa morale provisoire comme tirées de sa méthode. Mais que vaut cette affirmation, s'il n'a introduit ces règles que pour donner le change aux pédagogues ? En elles-mêmes elles ne paraissent guère liées à sa philosophie. Il est vrai encore [504] qu'il nous parle dans la préface des Principes d'une morale définitive qui présuppose une entière connaissance de toutes les autres sciences. Mais cette morale, plusieurs estiment qu'il ne l'a même pas esquissée, et que c'est sa morale par provision qui se trouve être sa morale définitive .

La question parait délicate. Il serait illégitime de juger Descartes uniquement sur ce que sa vie prématurément tranchée lui a permis de mener à terme. Dans les œuvres de la pensée, la tendance interne, le principe vivant de développement importe souvent plus que les résultats immédiatement observables. La réalité d'une morale cartésienne serait suffisamment démontrée, si l'on prouvait que la philosophie de Descartes contient en elle les germes d'une morale.