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ÉTUDES D’HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE

ment ? Or cette question est celle-là même que tout d’abord s’est posée Descartes, et l’on peut dire que c’est pour la résoudre qu’il a édifié son système de métaphysique.

En ce qui concerne la science, l’alliance de la géométrie et de l’analyse, l’interprétation mécanique des phénomènes, l’exclusion des causes finales, le mécanisme mathématique, appliqué non seulement à la systématisation des phénomènes, mais à l’explication de la genèse du monde, non seulement à l’étude des corps inorganiques, mais à l’étude de la vie, se retrouvent, comme autant de pièces essentielles, dans la philosophie cartésienne. Et c’est encore l’esprit cartésien qui préside à la création de certaines sciences particulières modernes, telles que la psychologie expérimentale et la sociologie positive, lesquelles cherchent à considérer les faits psychiques ou sociaux dans leurs éléments ou leurs équivalents mathématiquement mesurables.

Qu’on ne dise pas, d’ailleurs, que, pour être en possession de ces idées directrices, il suffit de les recevoir des savants actuels, telles que les ont faites deux siècles de discussion. Il n’en est pas des idées comme des faits, dont la connaissance se perfectionne presque fatalement. À qui peut connaître la mesure exacte d’un phénomène, que sert d’en recueillir une mesure grossière ? Mais une idée est une plante mystérieuse qui pousse parfois autrement chez un autre que chez son auteur, et qui