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sophe inconnu, Saint-Martin, le théologien catholique Baader, et Schelling dans la dernière phase de sa philosophie, les philosophes de profession, lorsqu’ils ont lu Boehme et qu’ils l’apprécient, lui décernent de vagues éloges plus qu’ils ne cherchent à s’assimiler ses doctrines. Les idées de Saint-Martin n’ont guère trouvé en France que des historiens ; et les Allemands ont surtout développé la philosophie intellectualiste issue de Leibnitz, de Kant et de Spinoza, laquelle repousse et la réalité absolue de la nature, et le libre arbitre de la volonté, ces pièces essentielles du système de Boehme.

Mais sur ce point encore gardons-nous de nous en tenir aux apparences et aux détails. Deux traits, en somme, caractérisent principalement les spéculations de notre théosophe : le spiritualisme, posé comme vérité fondamentale, et le réalisme admis sur la foi de l’expérience et rattaché par voie de déduction au principe spiritualiste. D’une part, Boehme tient que l’esprit seul est le premier être et l’être véritable : l’esprit, c’est-à-dire la liberté infinie, qui se crée des objets et des formes, et demeure infiniment supérieure à toutes ses créations, l’être insaisissable qui est partout par son action et qui lui-même ne peut être réalisé et devenir objet d’expérience ; la personne parfaite enfin, existence vivante et vraiment métaphysique, dont toute existence donnée et déterminée ne peut être que l’imparfaite manifestation. Mais, d’autre part, Boehme est réaliste. Il n’admet pas que le multiple et le divers soient