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l’amour ou vers l’égoïsme : l’homme peut faire de soi un ange ou un diable. Il porte en lui-même son paradis et son enfer : le paradis et l’enfer extérieurs ne sont que les symboles de la bonne et de la mauvaise volonté. Non que l’homme se suffise à lui-même et se passe de la grâce divine. Son bon vouloir n’est qu’une prière, inefficace sans le secours de Dieu ; et cette prière même, Dieu a prévu de toute éternité qu’il la ferait ou ne la ferait pas. Mais les actions libres demeurent telles dans la prescience divine, laquelle, au sein de l’abîme primordial, ne se distingue pas du fonds commun de toutes les volontés.

Le premier signe et le premier effet de l’élection, c’est la foi. La foi, comme l’élection, est souvent mal comprise. Chacun se vante d’avoir la foi. Où est-elle en réalité ? La foi d’aujourd’hui n’est qu’une histoire apprise par cœur. Où est l’enfant qui croit que Jésus est né ? S’il le croyait, il s’approcherait de l’Enfant-Jésus, le recevrait et le soignerait en lui-même. Mais non il ne connaît que l’enfant historique ; il trompe sa conscience avec une vaine érudition. Jamais on n’a tant parlé de foi, jamais la vraie foi ne fut aussi malade. En voulez-vous la preuve ? Jamais on ne s’est autant disputé, jamais on ne s’est autant jugé et condamné les uns les autres. Est-ce que Dieu juge et condamne les oiseaux de la forêt parce que chacun d’eux le loue à sa manière, sur un autre ton que les autres ? Est-ce que l’infinie puissance de Dieu ne comporte pas une infinie