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entraves, tout ce qu’elle pouvait être. Bientôt l’idée, selon la loi de l’être, d’image et de désir est devenue corps ; la nature a proclamé son autonomie, et l’homme est tombé sous l’empire de ces forces violentes et égoïstes qu’il avait déchaînées. Telle est l’histoire abrégée de la faute. Mais le texte sacré nous permet d’en distinguer les phases et d’en marquer le progrès.

Le point de départ fut le désir de connaître les choses, non plus dans leur union et leur harmonie, telles que Dieu les a faites, mais en les séparant, en les analysant, en leur prêtant une individualité factice. L’homme voulut savoir ce qu’étaient en soi le chaud et le froid, l’humide et le sec, le dur et le doux et les autres qualités, prises isolément. De la vie, qui organise, il voulut chercher le secret dans la mort, qui fige et disperse. Le fruit divin, la connaissance concrète, n’eut plus pour lui de saveur et d’attrait : il voulut goûter à la connaissance abstraite et morcelée, au fruit de la nature terrestre. Alors, la nature répondit à son désir en objectivant ce désir même sous la forme de l’arbre de la science du bien et du mal. Cet arbre de tentation n’est autre que la réalisation sensible de la volonté de connaître le bien et le mal séparément, en tant qu’opposés et contradictoires. Grâce à lui, l’homme voit devant soi le bien et le mal comme deux choses extérieures l’une à l’autre, selon la condition des objets situés dans l’espace et il peut embrasser celui-ci à l’exclusion de celui-là. Le fait d’avoir suscité l’arbre de la science ana-