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productions de ces esprits dans le monde de la Gloire étaient des figures aux contours flottants, toutes pénétrées de vie et de spiritualité : c’était l’infini visible dans le fini. Les mêmes esprits fixent maintenant l’idée dans une matière dure et compacte, qui dissimule l’infini qu’elle réalise. Dans le monde de la Gloire, il y a équilibre du réel et de l’idéal ; dans le monde créé, le réel domine.

Telle est la part du Dieu personne et telle est la part de la nature divine dans la création. Mais un troisième ouvrier intervient pour réaliser le monde, et cet ouvrier est la créature elle-même. Comme dans le travail de l’artiste, l’œuvre elle-même, qui veut être, seconde par sa vie propre les efforts de la volonté et de l’intelligence, ainsi la créature, à peine amenée au seuil de l’existence par l’union de l’esprit et la nature incréée, fait effort pour franchir ce seuil et se déployer en pleine lumière. Tout esprit est une âme qui désire un corps. Or la parole créatrice a eu cet effet de rompre le lien qui maintenait les forces spirituelles dans l’union et l’harmonie. Chacune d’elles, dès lors, veut exister pour elle-même et se manifester suivant sa tendance propre.

Qu’est-ce donc que la création ? C’est l’introduction de l’espace et du temps dans le monde des volontés particulières. Au sein de l’éternité, les volontés, individuelles en elles-mêmes, étaient universelles dans leur objet. Réalisées dans des corps séparés les uns des autres par le temps et l’espace, les volontés sont, par