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ÉTUDES D’HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE

soustrait à la génération et à la corruption ? Telles étaient les questions philosophiques que se posaient les physiologues[1].

Socrate ne s’attarda pas à examiner une à une les diverses doctrines qu’avait engendrées l’idée d’une physique naturelle. Il les condamna en bloc, comme vaines, stériles et sacrilèges.

La physique était une recherche vaine. Car les physiciens n’avaient pu se mettre d’accord sur aucun point. Les uns soutenaient que l’être est un, les autres qu’il est infiniment multiple ; les uns que tout se meut, les autres que tout est éternellement, immobile, et ainsi du reste[2]. Or, contradiction est marque d’ignorance.

Elle était stérile. Ceux qui s’occupent de ces objets, disaient Socrate, croient-ils donc que, quand ils connaîtront la loi de nécessité suivant laquelle chaque chose se produit, ils pourront faire, à leur gré, les vents, les eaux et les saisons[3] ?

Et ces deux traits résultaient eux-mêmes d’un vice radical, à savoir du caractère sacrilège de l’entreprise. Tout ce qui est, disait Socrate, se partage en deux catégories[4] : les choses humaines (τὰ ἀνθρώπεια), telles que le pieux et l’impie, le beau et le laid, le juste et l’injuste, les questions relatives à la cité et à l’autorité[5],

  1. Xénophon, Mém., I, 1, 14.
  2. ibid., IV, 2.
  3. ibid., I, 1, 15.
  4. ibid., I, 1, 12.
  5. ibid., I, 1, 16.