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fond de sa conscience qu’il cherche la divinité ; c’est parce que Dieu s’engendre en l’homme que l’homme peut connaître la génération divine. Quoi d’étonnant si sa connaissance de Dieu est avant tout une connaissance de nous-mêmes ?

Il ne s’ensuit pas d’ailleurs que Boehme soit, au point de vue métaphysique, un pur naturaliste. Sans nous complaire avec lui dans des spéculations sans contrôle possible sur la naissance et le développement de Dieu, nous pouvons du moins remarquer la différence qui existe entre sa doctrine et celle que repousse Aristote. Selon l’antique philosophie du chaos et de l’infini, la génération du parfait par l’imparfait était l’absolue réalité des choses. Pour Boehme il n’y a pas en Dieu, dans l’absolu, un avant et un après. C’est notre condition d’être finis, appartenant à la nature, qui nous oblige à considérer Dieu au point de vue de la nature et à nous représenter sa vie comme un progrès.

Mais ce n’est pas tout. Le chaos des anciens était une nature donnée, une chose, la plus confuse et indéterminée qui se pût concevoir ; et c’était de cette chose que, par un développement nécessaire, on faisait sortir l’être déterminé et parfait. Le point de vue des anciens était objectif. À la chose entièrement indéterminée, Aristote oppose, sous le nom d’acte pur, la chose entièrement déterminée, tandis que le néo-platonisme, revenant à l’idée de progrès, pose comme premier être une unité qui, supérieure ou inférieure à l’intelligence et à la vie,