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phénomènes, le parfait est postérieur à l’imparfait ; mais dans l’ordre de l’être, c’est le parfait qui est le premier et l’absolu. La doctrine de Boehme, comme celle des vieux théologiens, semble n’être qu’un anthropomorphisme ou un naturalisme. Il a observé, peut-on dire, que chez l’homme l’indétermination précède la détermination, que la lutte est la condition de la vie et du progrès, qu’une image est nécessaire à l’entendement et une matière à la volonté, que l’action de nos facultés consiste à s’assimiler des objets extérieurs ; et il a transporté à Dieu cette condition de l’existence humaine.

Lors même que ce jugement serait fondé, on ne saurait en faire une condamnation pure et simple de la doctrine. Le système de Boehme ne s’appliquât-il en réalité qu’aux êtres finis, il ne serait pas pour cela sans importance. Il faut pardonner au théosophe de nous renseigner imparfaitement sur l’histoire de la trinité divine, si, croyant nous parler de Dieu, il nous parle de nous-mêmes et nous en parle avec sagacité. Ce grand principe, que la volonté est la base de la vie et de l’existence, et que la vie, à son tour, a, dans la liberté, sa fin et sa raison d’être, ne perdra rien de son intérêt pour ne concerner que le monde créé, au lieu de s’appliquer également au Créateur. Il est certain que ce système étrange, dont la richesse est confusion, et dont l’éclat est fulguration aveuglante, recèle mainte observation modeste et fine de psychologue, mainte réflexion sensée et pratique de moraliste. Boehme nous l’a dit : c’est au