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de Dieu ou de la liberté éternelle. Mais comment ces deux puissances contraires parviendront-elles à se réunir ?

L’inquiétude qui tourmente la nature a cet avantage de manifester sa faiblesse, de lui crier qu’elle ne peut se suffire et former un tout. L’homme qui connaît sa misère est moins misérable que celui qui l’ignore. Sous l’influence de l’esprit qui plane au-dessus d’elle, la nature ressent bientôt un anxieux désir de la liberté. Un je ne sais quoi dit à l’âme qu’elle doit se donner à ce qui lui est supérieur, qu’en se sacrifiant elle se trouvera ; qu’en mourant à soi-même, elle naîtra véritablement. Et d’un autre côté l’esprit, la liberté ont besoin de la nature pour se manifester et se réaliser. Si la nature pressent dans l’esprit sa loi et son harmonie, l’esprit cherche dans la nature sa réalité et son corps. L’esprit veut exister, comme la nature tend à s’affranchir de la souffrance. Ainsi poussés l’un vers l’autre, l’esprit et la nature se rapprochent. Mais la nature a son mouvement propre et sa force d’inertie. Le désir nouveau qu’elle a ressenti ne fait que poindre en elle et ne modifie pas son habitude. Elle vient donc se heurter contre l’esprit qu’elle cherche et qui descend à elle ; et de ce choc naît un phénomène nouveau : l’éclair. Tel est le quatrième moment du progrès de l’existence, la quatrième essence. Ce moment est la manifestation du contact de la nature et de l’esprit. Dans l’étincelle de l’éclair, l’obscur, le grossier, le violent, tout ce qui constitue la tendance