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C’est ici le point capital du système de Boehme. La solution que notre théosophe a donnée du problème de la génération éternelle est son œuvre propre, et ouvre une voie nouvelle où marcheront de nombreux philosophes.

Sans doute les anciens mystiques s’étaient déjà engagés dans cet ordre de recherches. Eckhart se demandait comment la divinité purement potentielle, immobile et inactive, qui est le premier être, devient le Dieu vivant et personnel, qui seul est le vrai Dieu. Et il expliquait le passage de l’une à l’autre par le rôle de l’image ou idée de Dieu, laquelle émanait spontanément de la puissance primordiale, comme de chacune de nos tendances sort une idée qui l’objective et la manifeste. En se contemplant dans son image, la substance absolue prenait conscience d’elle-même et se posait comme personne.

Boehme s’inspire de cette doctrine, mais il fait autre chose que la reprendre et la continuer. Avec ce sens de l’existence concrète, de la vie et de la nature qui le caractérise, il ne peut se contenter du Dieu encore abstrait des anciens mystiques, Eckhart avait à peu près expliqué comment Dieu prend conscience de lui-même. Mais la conscience de soi n’est que l’ombre de l’existence. Pour que Dieu soit vraiment personne et pour que la nature trouve en lui les éléments d’une existence positive, il faut que la génération divine soit autre que ne l’enseigne Eckhart.