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clusion : il y a en France un enseignement organisé pour le médecin, pour l’avocat, pour l’ingénieur, pour le militaire, etc… il n’y en a pas pour l’homme politique.

Est-ce un mal ? — Ou faut-il croire que les dons naturels et la pratique des affaires suffisent, sans instruction spéciale, pour former le nombre d’hommes d’État dont, le pays a besoin ? — Si l’on en juge par nos vingt ou trente dernières années, la nature n’est pas si prodigue de ses dons ; et, quant à la pratique, elle ne saurait donner de compétence sérieuse que dans tel ou tel genre particulier d’affaires. Aussi y a-t-il disette évidente d’hommes politiques dans le sens large et complet du mot. Une instruction spéciale bien ordonnée est donc indispensable ; elle ne rendra pas supérieurs ceux qui sont nés médiocres ; mais elle pourra éclaircir les vocations, multiplier les vues, et développer la capacité générale et dirigeante qui est tout l’homme d’État. Grâce à elle, les aptitudes se révéleront en plus grand nombre et atteindront un niveau plus élevé.

Au reste, l’effet le plus considérable d’un enseignement organisé sur ces matières n’est pas de former des hommes d’État, mais de créer autour d’eux un groupe de libres et utiles coopérateurs. En France, l’homme supérieur qui est au pouvoir se sent tout seul. Il ne rencontre d’auxiliaires entendus que chez les gens en place, de critiques compétents que chez les ambitieux qui convoitent la sienne. Le reste de la nation s’engoue,