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la terreur en macédoine

rivière. Une ligne blanchâtre apparaît sous les couches d’eau glauques des abîmes. Nikéa montre cette mince chaussée sous-aquatique et dit au chef :

« Le gué !… mon ami, laisse-moi prendre la tête… je le connais pied par pied !

— Va ! mon enfant, et guide-nous !… Frères, suivons avec assurance ma chère femme… »

Le cheval de Nikéa renâcle et refuse d’avancer. Elle le talonne rudement et le pique à la croupe. Il finit par s’immerger, le flanc houleux, en s’ébrouant. Bientôt, il a de l’eau jusqu’à mi-flanc. Il pointe les oreilles avec inquiétude et trébuche. La jeune femme le soutient d’une main ferme, pendant que les autres suivent avec docilité.

Joannès, le dernier, se met à l’eau. Le temps s’écoule, et un frisson d’angoisse agite les plus braves en voyant combien est courte la distance qui sépare les deux troupes.

Les clameurs se rapprochent. On entend résonner comme un tonnerre les sabots sur le terreau noir de Kossovo. Par bonheur, quelques chevaux de tête glissent sur les rails et culbutent. Les cavaliers font panache. Les premiers rangs s’arrêtent. Les Patriotes gagnent ainsi une minute !…

On entend jurer et sacrer Marko dont la voix de métal arrive sur l’eau avec la netteté qu’elle aurait dans un cornet acoustique.

« Mille tonnerres ! quelles brutes vous faites !…

« Des cavaliers !… ça des cavaliers !… des pourceaux grimpés sur des ânes… oui, des pourceaux…

« Fils de truies ! je vous ferai empaler ! »

Un capitaine s’avance et dit en portant respectueusement la main à son tarbouch :