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la terreur en macédoine

Très pâle, la poitrine oppressée, la jeune fille regarde bien en face le brigand, et répond d’une voix entrecoupée :

« Ton or procure tout, Marko…, sauf pourtant l’estime des autres et de soi !

« Or, le bonheur sans l’estime est empoisonné… la vie sans l’honneur est maudite ! Quoi qu’il arrive, je refuse ! »

Chacune des paroles de Michel est comme un soufflet pour Marko. Il fait des efforts inouïs pour ne pas éclater, voulant tout entendre et tout savoir. Ses joues se marbrent de taches tour à tour livides ou pourprées, ses lèvres se serrent, ses yeux s’injectent, sa face devient hideuse et terrible.

Jusqu’au dernier moment il a espéré, à force de promesses et de menaces, obtenir ces renseignements qui seraient la mort de l’insurrection. Exaspéré de voir que rien ne peut entamer cette admirable fermeté, humilié de s’être contraint, mortifié d’avoir offert vainement cet or… son dieu ! il pousse un cri de bête qui se rue au carnage !

Il arrache de sa ceinture le long poignard albanais et le brandit de haut, de toute sa force. Il semble méditer un moment, chercher, dans l’éclair rouge de ses prunelles, lequel il frappera le premier…

Voyons… qui ?… l’homme ?… la femme ?… qui des deux souffrira le plus, en voyant panteler l’autre, la poitrine ouverte, en attendant dépérir à son tour ?

Ce calcul féroce de bourreau dilettante est déjoué par un mouvement spontané de Michel.

Voyant le poignard levé, le jeune homme, d’instinct, ouvre ses bras, serre sur sa poitrine sa fiancée, comme pour lui faire un rempart de son corps.