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la terreur en macédoine

Il offre trente hommes en retour !… Leurs regards se croisent, et soudain l’espoir anéanti semble renaître.

Certes, ils ont fait et depuis longtemps le sacrifice de leur existence. Mais cela n’empêche pas qu’ils aiment la vie… qu’ils aient soif de tendresse et que leur jeune amour à peine éclos éprouve une suprême révolte en présence de ce néant où il va sombrer.

Marko, tout en paraissant absorbé par le billet qu’il relit lentement, surprend ce long regard chargé de tendresse et sourit en hochant la tête.

« Joannès offre trente hommes, dit-il de sa voix ironique.

« J’estime que c’est trop peu et vous valez mieux que cela. Je suis néanmoins disposé à accepter… mais sous certaines conditions.

— Si elles sont compatibles avec le devoir, j’y souscrirai volontiers, répond avec dignité Michel.

— Quand on est les fiancés de la Mort… quand on n’a plus que quelques minutes à vivre… que quelques regards à échanger… tout est compatible avec le devoir… pour ne pas être tué !

— En es-tu bien sûr ?

— C’est à toi de juger.

« Donne-moi simplement votre mot d’ordre… indique-moi où sont vos réserves d’armes et de munitions… dis-moi où sont vos fabriques de dynamite… et vous êtes libres tous deux, sur l’heure !

— Pacha, ce que tu me proposes là est une trahison… et, pour tout dire, une infamie !

— Bah ! laisse donc !… des mots, tout cela !…

— Et tu crois qu’il nous serait possible de marcher tête levée devant nos frères vendus par nous… de jouir de cette vie sauvée par de tels moyens…