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la terreur en macédoine

le poing et crache son mépris, face à l’ennemi, la poitrine découverte, défiant les hommes et les choses, défiant les balles, défiant tout !

« Mais réponds-moi donc, mais montre-toi donc, paysan abject… poltron, qui joues au soldat… et que je crosserai de ma botte…

« Non ! tu n’es pas un soldat… un révolté… un patriote… tu n’es qu’un lâche ! »

— Tu en as menti ! » riposte une voix jeune, sonore, bien timbrée, qui vibre d’indignation.

Et soudain une forme agile bondit de l’autre côté de la rivière.

Elle émerge des ténèbres, s’avance dans la portion éclairée, se précise et s’affirme.

Un jeune homme coiffé du bonnet bulgare, vêtu de gris, les jambes entourées des courroies de ses chaussures en forme de cothurnes, apparaît aux yeux des brigands albanais.

Il porte en bandoulière un mousqueton à canon bronzé, et un sabre à garde et à fourreau d’acier est accroché à son ceinturon de cuir verni.

Avec une aisance tranquille, il s’avance vers Marko qui le reconnaît et s’écrie :

« Joannès !

— Oui, Marko, c’est moi !

« Tu m’as provoqué, me voici ! »

À le voir ainsi, complètement seul, à découvert, les Albanais, bons juges en matière de bravoure, l’admirent sincèrement, surtout au moment d’affronter ce terrible adversaire jusqu’alors invincible, Marko le Brigand, bey de Kossovo ! Les moustaches, hérissées, l’œil en feu, Marko le regarde venir et, ne pouvant croire à une pareille témérité, ajoute :