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la terreur en macédoine

Dans la cour, le spectacle est terrifiant. Les Turcs, n’ayant point d’issue, sont frappés pendant cette course affolée qui les ramène au même point. Des corps projetés par la force de l’explosion sont littéralement aplatis sur les murailles. Il en est que la formidable expansion des gaz dépouille de leurs vêtements… Et cette nudité tragique découvre des plaies affreuses.

Deux bombes tombent encore ! Une fumée blanche, lourde, flotte sur la cour. Les hurlements s’arrêtent ! Encore quelques gémissements… puis quelques râles… puis un silence poignant. C’est la fin de cette sauvage exécution. Le détachement turc est anéanti !

Alors, Joannès et Nikéa, suivis de Rislog, descendent lentement. Tous trois sont pâles comme des spectres. De grosses larmes coulent des yeux de la femme qui murmure d’une voix défaillante :

« Mon Dieu ! pardonnez-leur et pardonnez-nous ! Ils ont martyrisé mon père… massacré les miens et mutilé notre patrie !… Ils voulaient nous tuer ou nous ravir ce bien plus précieux que la vie la liberté !

« Nous nous sommes défendus et nos mains ont semé la mort…

« Pardonnez-nous, ô mon Dieu ! »

Joannès l’entraîne doucement et l’arrache à cet affreux spectacle. Lui-même ne trouve pas un mot à prononcer. La cause qu’ils défendent si terriblement lui paraît juste et, pour tout dire, sacrée. Cependant, son âme jeune, tendre, aimante, éprouve une horreur invincible pour ce massacre qui n’est, hélas ! pas le dernier. Mais ils sont, avant tout, des patriotes ! ils veulent l’affranchissement du sol natal, et malgré leur