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la terreur en macédoine

fut plus tracassier. Néanmoins, les investigations continuèrent, mais plus calmes et au gré des subalternes qui se contentèrent d’inventorier, au hasard, le chargement de tel ou tel baudet.

Mais cela ne suffisait pas à ce distillateur qui voulait voir arriver intactes ses roses de premier choix. Il fallait, dans ce but, éviter toute visite. Le capitaine, à son tour, reçut discrètement un bacchich et complaisamment ferma un œil.

Puis ce furent les sous-officiers et, enfin, les soldats. De telle façon que depuis deux jours la caravane passait sans encombre, sous les regards néanmoins vigilants de la garde.

Donc, ne voyant rien d’anormal, l’officier dit négligemment :

« C’est bon !… allez… »

Puis, pour s’amuser, par sotte plaisanterie de désœuvré, il sangle d’un coup de cravache une oreille de l’ânesse conductrice. La bête, surprise et endolorie, renâcle, se cabre et bruyamment s’agite. Un froissement de métal se fait entendre. Là, tout près, sous les roses empilées. Il semble que le vieux mendiant pâlit sous son enduit de crasse ! Son œil flamboie sous les mèches hirsutes de ses cheveux, et il lance à son compagnon un de ces regards terribles où l’homme, en un mortel péril, met toute son âme.

Tout cela, rapide comme la pensée, en conservant ce masque d’impassibilité stupide qui fait, des deux âniers, deux brutes.

« Qu’est-ce que c’est ? dit vivement le capitaine.

« De la contrebande de guerre… »

Il allonge la main vers une manne pour ouvrir le léger couvercle soutenu par une glissière en osier.