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la terreur en macédoine

Tout cela commandé par un colonel. À présent, on ne passe plus. Ou, du moins, on ne passe qu’à bon escient et après avoir sérieusement parlementé.

Sanglé dans son dolman bleu, coiffé bien droit du tarbouch qui luit emboîte la tête jusqu’aux sourcils, le capitaine arrive, de méchante, humeur, en faisant siffler sa cravache.

Il reconnaît les deux âniers et ronchonne :

« Encore ces deux pourceaux de Bulgarie… avec leurs bourricots et leurs roses !…

« Par Allah ! j’en ai assez de faire ainsi le gabelou, depuis quinze jours qu’ils passent et repassent !… Quelle chose idiote qu’une pareille, consigne ! »

Au début de la récolte de roses, le convoi était visité minutieusement, c’est-à-dire que pour s’amuser et distraire leurs chefs, les soldats du poste chaviraient les paniers avec la désinvolture de paveurs maniant des blocs de grès. Ils trépignaient jusqu’au genou au milieu des fleurs et se tordaient de rire quand les âniers ramassaient à la pelle, pendant des heures, les pétales mêlés aux graviers et aux évacuations des baudets.

Naturellement on ne trouvait rien de suspect. Du reste, la vue seule des deux loqueteux, abrutis sinistres et crasseux, de vrais idiots toujours silencieux, éloignait toute idée préconçue de contrebande.

Cependant, ces perquisitions brutales et inutiles dépréciaient fortement la marchandise, et le propriétaire de la distillerie située à Egri-Palanka résolut de les éviter.

Il n’y avait qu’un seul moyen : le bacchich au colonel commandant en chef. Adouci par une quantité respectable de livres turques, l’officier supérieur ne