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Les patriotes la regardent avec une admiration passionnée, retenant leur souffle, n’osant point parler, craignant toujours un faux pas, une défaillance, un rien, produisant l’effroyable catastrophe… L’exquise créature de grâce, de bonté, de dévouement, broyée là, sous leurs yeux…

Certes Joannès, qui manipule avec son beau calme ces formidables substances, court les mêmes dangers. Mais c’est un homme, lui, c’est le chef, et cela semble tout naturel qu’il se prodigue ainsi à chaque seconde, pour le salut commun.

Chacun, d’ailleurs, parmi eux est prêt à en faire autant, sans l’ombre d’une hésitation. Et c’est cette idée de sacrifice qui leur permet d’attendre passivement, immobiles, sans mot dire, la liberté ou la mort !

Les minutes passent. Des guetteurs établis dans la redoute signalent à chaque moment les faits et gestes des Turcs.

Au fur et à mesure que Joannès emplit les boîtes et que Nikéa les met en place dans le fourneau de mine, les hommes de Marko travaillent avec une sorte de frénésie. Le désastre éprouvé par eux il y a quelques heures est réparé. Les voilà de nouveau parvenus au point où la bombe de Michel les arrêta.

Et ceux qui suivent les péripéties de cette lutte impitoyable se demandent avec angoisse :

« Qui sera prêt le premier ?… »

Vingt-sept boîtes sont déjà pleines et rangées là-bas par les soins de Nikéa. Joannès estime le poids total de la nitroglycérine à trente kilogrammes, représentant trois cents kilogrammes de poudre.

« Comme c’est peu ! dit-il en regardant les alambics primitifs, d’où sort sans relâche l’acide nitrique.