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la terreur en macédoine

dehors le monceau de rouges décombres s’accumule comme un amas colossal de sang coagulé !

Troisième journée ! Chacun est grave, recueilli, un profond silence règne de tous côtés. On sait qu’il va se passer quelque chose de capital… C’est la question de vie ou de mort qui va être résolue.

La tranchée a dépassé la paroi de la grotte de plus de vingt mètres. C’est maintenant un tunnel qui s’allonge sous la montagne elle-même, comme s’il allait la percer de part en part. Deux hommes piochent de front. Deux autres élargissent au fur et à mesure les parois ; d’autres enfin excavent la voûte pour lui donner de la hauteur.

Les coups résonnent de plus en plus rapides. Les déblais s’enlèvent avec une célérité qui tient de la prestidigitation.

Tête nue, les manches relevées jusqu’aux épaules, Joannès, trempé de sueur, s’acharne comme s’il voulait à lui seul éventrer la montagne. Chaque coup qui désagrège un morceau d’ocre rouge fait battre son cœur à pleine poitrine.

Encore un !… il s’attend à déboucher dans le vide… à voir ce petit coin de firmament, au-dessus de la Bulgarie, cette terre promise des patriotes !…

Encore un !… Dans toute la sape, c’est un halètement de gens dont la vie est suspendue au labeur surhumain de ce vaillant.

Encore !… encore !… oh ! la mortelle angoisse… Un dernier coup résonne. Un choc tout sec, accompagné d’une vibration lancinante de métal. Une gerbe d’étincelles jaillit sous la pioche qui vole en éclats !

« Malédiction !… malédiction ! hurle Joannès hors de lui ; c’est le roc… le roc de granit.