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la terreur en macédoine

rer d’un cran… de deux crans… de plusieurs crans… selon les circonstances !

— Mais nous avons faim !…

— C’est parfait !… car, dans une place forte, on vit de faim… on s’y habitue très vite…

— Nous avons horriblement faim !

— C’est l’occasion de serrer le premier cran de vos ceintures… Nous appellerons cela le rationnement… une chose désagréable, mais essentielle qu’un chef prudent impose à ses soldats… et dès le début.

— Tu ris, toi…

— À quoi nous servirait-il de pleurer ?

« Du reste, Michel et moi, nous prêchons d’exemple : une poignée de farine délayée dans un verre d’eau… et c’est tout.

« N’est-ce pas, Michel ?

— Oui, frère, et je m’en contenterai pour aider à prolonger notre résistance.

— Enfin, ajoute Joannès, en riant de plus belle, vous n’avez rien à faire… vous êtes encore fatigués… recouchez-vous, reprenez votre somme et mettez en pratique le proverbe : « Qui dort dîne ! »

Calmés par ce mélange de belle humeur et de sobriété, ils absorbent en deux temps leur pitance et prosaïquement se recouchent sur l’odorante litière.

Joannès et Michel, sans plus tarder, commencent l’inspection de la petite forteresse. Ils l’examinent en détail, on pourrait dire morceau par morceau, pour en trouver le point faible. D’abord les rochers, dont ils évaluent approximativement la masse et la hauteur. Cinquante mètres au moins, et taillés à pic, sans un repli, sans une fissure, sans une anfractuosité.

« Une muraille lisse comme du marbre, dit Michel.