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la terreur en macédoine

fuir. On tue partout, au milieu des maisons qui brûlent. Des sopadjis amenés de Koumanova cognent à tour de bras avec leurs massues… Des gendarmes s’escriment du sabre et de la baïonnette… c’est l’ancienne troupe des massacreurs ralliée par le sous-lieutenant d’artillerie. Les brigands rabattent les malheureux paysans sur les hommes d’Ali qui fouillent méthodiquement les demeures et les incendient.

Marko aperçoit Ali, dépoitraillé, le sabre nu, rouge de la pointe à la garde, se ruant au milieu des victimes, bousculant, vociférant, interrogeant. « Brave Ali ! » murmure-t-il avec un hideux sourire.

Ali empoigne aux cheveux une femme et hurle de sa voix rauque de montagnard :

« Joannès !… où est Joannès ?…

— Je ne sais pas !… je ne le connais pas ! » gémit l’infortunée.

Un effroyable coup de sabre, un seul, lui fait voler la tête.

Il en saisit une autre qui tient serrée contre sa poitrine un enfant.

« Joannès ! où est Joannès ?…

— Je ne le connais pas ! »

L’Albanais lève son sabre et rugit :

« Toujours la même réponse… oh ! chiens de chrétiens-… menteurs !… menteurs !… »

La femme supplie et lève au bout de ses bras l’enfant :

« Je ne le connais pas !… je le jure… oh ! je le jure sur la vie de ce petit être… issu de mon sang ! »

Ali rit d’un rire de démon et la terrible lame retombe avec un bruit de couperet. Les deux bras sont tranchés net à la saignée.