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la terreur en macédoine

— Ah ! rugit Marko, deux mille piastres au premier qui escalade la terrasse !…

« Mille piastres à ceux qui ramèneront morts ou vifs ces chiens de paysans ! »

De tous côtés les misérables se pressent et se groupent.

« Des échelles !… des échelles !… à l’assaut !… à l’assaut ! »

En dix minutes ils trouvent une demi-douzaine d’échelles grossières, lourdes et robustes. Ils les apportent en courant et les dressent contre les murailles.

Les assiégés ripostent par un feu d’enfer. Des canons brûlants jaillit une grêle de balles. Gendarmes et assommeurs tombent. D’autres les remplacent et se hissent d’un bond sur les cadavres qui s’amoncellent. Sur chaque échelon monte une grappe humaine.

La fusillade cesse. Au milieu de la terrasse brûle un grand feu. Sur le feu, un vaste chaudron plein qui fume avec une odeur de friture. À l’entour, des ustensiles de cuisine que l’on dirait apprêtés en vue d’un charivari.

Les assaillants atteignent la crête du rempart. Les cinq hommes et la jeune femme saisissent au hasard une casserole, un poêlon ou un pot, et l’emplissent au chaudron. Le liquide fume, pétille.

Chacun d’eux court à une échelle et brusquement chavire son récipient sur la pyramide humaine.

Des hurlements fous retentissent. — Échaudés comme par une averse de plomb fondu, faces cuites, oreilles rôties, griffes ébouillantées, les gredins lâchent les échelons et dégringolent dans un pêle-mêle cocasse et mortel.