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la terreur en macédoine

L’embarquement a lieu le soir, dans un train réquisitionné. De Prichtina, la ligne de chemin de fer descend du Nord au Sud, jusqu’à Uskub. Quatre-vingt-dix kilomètres. D’Uskub à Koumanova, elle s’infléchit de l’Ouest à l’Est. Trente kilomètres. Total cent vingt kilomètres ou trente lieues.

Le train marche une partie de la nuit avec une lenteur tout orientale, stationne quelques heures à Uskub et arrive un peu avant le lever du soleil à Koumanova. Les deux mille cinq cents habitants de cette jolie petite ville sont presque tous chrétiens. Elle possède deux églises et une mosquée. Les maisons, solides, bien bâties, sont de style oriental, avec terrasse et cour intérieure. Le commerce de détail est assez important et l’industrie locale de tissus est prospère. C’est en somme une cité riante, heureuse par son travail, et une des plus riches de la province.

Assommeurs et gendarmes débarquent en silence. Marko a pris soin d’emmener deux collecteurs d’impôts qui connaissent particulièrement tous les habitants. Ils désigneront, pour éviter toute erreur, les maisons des cinq cents musulmans qu’il s’agit d’épargner.

Conduits par les collecteurs, les assommeurs brandissant leurs massues, pénètrent dans la ville par quatre côtés. Derrière eux, carabine chargée, baïonnette au canon, les gendarmes gardent les issues.

Il fait petit jour. Deux hommes vont entrer chez un boucher. Un groupe se rue sur chacun d’eux, sans crier gare.

« Es-tu chrétien ?… es-tu croyant ? »

Surpris par cette agression, épouvantés par ces mines patibulaires, ces gourdins brandis, les mal-