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la terreur en macédoine

— Ni dix mille… ni cent mille…

— C’est ton dernier mot, pacha ?

— Non ! mon dernier sera pour donner l’ordre à l’officier de service de t’arrêter et de convoquer sans retard la cour martiale qui va te faire fusiller ! »

Pendant que le vali profère paisiblement cette menace terrible, la face de Marko est plissée par un mauvais sourire. Il regarde par la fenêtre et aperçoit, sur la place, la caravane des paysans. Ils sont accroupis, l’air exténué, près dé leurs ânes, paraissant, eux aussi, rompus de fatigue.

Il éclate de rire et s’écrie :

« Pacha ! tu es un idiot !… »

Le vali porte à ses lèvres le sifflet d’or pendu à une chaînette.

Marko bondit sur l’homme, et l’empoigne à la gorge. Ses doigts s’incrustent comme une griffe de fer. Le vali rougit, bleuit, roule des yeux fous, tire la langue et râle, à demi étranglé.

De son autre main Marko le saisit par la ceinture et le soulève, au bout de ses bras, comme un enfant.

Il l’emporte sans effort et broie d’un coup de pied la fenêtre qui s’ouvre, béante. En bas, le lucerdal se dresse au fracas des vitres pulvérisées.

« Hadj !… à moi… » hurle Marko.

À ces mots, il précipite sur le sol le malheureux pacha dont le corps s’abîme avec un bruit flasque. Le léopard se rue sur lui, d’un coup de griffe lui ouvre la poitrine et plonge dans les viscères fumants son mufle plissé par un hideux rictus.

Comme si cette sauvage exécution était un signal, les caravaniers se redressent comme un seul homme. Toute trace de nonchalance ou de fatigue a disparu.