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la terreur en macédoine

Enfin, un pas hésitant est perçu dans les ténèbres. Qui ?… ami ?… ennemi ?…

À tout hasard les trois hommes se mettent en défense. Une voix d’une pureté admirable, fredonne le Chant de Kossovo, l’ardente et plaintive mélopée qui est comme le chant de ralliement des Slaves opprimés.

« C’est elle !… C’est Nikéa ! »

Les armes retombent dans l’herbe. Des mains : amies pressent celles de la jeune femme, des bouches avides l’interrogent.

Elle répond, avec ce calme effrayant qui succède aux grandes douleurs :

« Un désastre !… nous n’avons plus de demeure… plus d’abri… plus rien…

« Salco est ravagé… pillé… anéanti !… il n’en reste plus pierre sur pierre… le feu a dévoré tout ce qui n’a pu être emporté ou saccagé par les hommes…

— Qui ?… mais qui, ces bandits ?…

— Après le bey albanais, le pacha turc !

« Marko parti, on est venu au nom du pacha, enlever le reste pour l’impôt du sultan… Marko était avide et féroce… les Turcs furent pires… Ne trouvant plus d’argent, ils anéantirent tout et massacrèrent ceux qui ne purent s’enfuir.

— Oh ! c’est affreux, sanglote Michel.

« Mon Dieu !… mon Dieu !… sommes-nous donc maudits ?

— Oui, répond Nikéa, la destinée s’acharne bien cruellement sur ceux de notre race et de notre foi.

— Parce que, répond Joannès, les Slaves, depuis des siècles, se lamentent, prient, pleurent et courbent l’échine devant leurs bourreaux. Au lieu de répondre