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la terreur en macédoine

lui semble extraordinaire et surtout contrariante. Elle déconcerte en effet son projet d’extermination totale des Turcs ayant participé à l’attaque de son clan.

Il ne voudrait pas qu’il restât un seul témoin de cet effroyable anéantissement. La discrétion de ses gens lui étant assurée jusqu’à la mort, il se flatte de pouvoir nier, au besoin, cette facile et sauvage victoire.

Et voilà que cette damnée folle se jette en travers de ce plan si simple d’où peut et doit sortir pour plus tard une impunité absolue.

Aussi, comme il voudrait trouver un motif, même futile ou mauvais, à briser ce touchant et séculaire privilège des déments !

Ce nom de Joannès lui a fait dresser l’oreille comme un appel de trompette.

Joannès !… le Slave intrépide qui l’a si audacieusement bafoué, lui a infligé des pertes si cruelles ; et a failli lui enlever la victoire !

Il s’approche de plus près, voit l’homme dénommé Joannès dans les bras de la folle qui l’étreint passionnément et répète sans trêve son nom :

« Joannès !… ô mon bien-aimé, je te retrouve enfin !… c’est toi !… Joannès dont le nom est pour mon âme la plus suave des musiques !…

« Béni soit le Seigneur Dieu… Bénie soit la Panaggia, sa très sainte, mère, qui ont permis à Nikéa de revoir Joannès !

« Nikéa !… Joannès !… nos noms sont indissolublement unis comme nos âmes et aussi comme nos corps !… car tu es mon époux… car je suis ta femme devant le Seigneur et devant les hommes.

« Mais regarde-moi !… parle-moi !… dis-moi ton amour… toi qui possèdes le mien… »