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la terreur en macédoine

Derrière lui, quelques femmes habillées de soie blanche, voilées étroitement jusqu’aux yeux, le suivent en babillant. Probablement ses épouses et leurs esclaves.

Tout le clan est là. Environ cinq à six cents personnes de tout sexe et de tout âge.

Les hommes armés, composant le peloton d’exécution, conduisent les prisonniers à l’extrémité de l’esplanade. On les place le dos tourné vers le précipice, béant à cinq pas derrière eux. Quand ils seront tombés sous les balles, l’abîme recevra leurs cadavres. Il n’y a pas de terre végétale sur ces rocs. Il serait impossible de creuser une fosse.

Les hommes armés — ils sont une vingtaine — se rangent à une quinzaine de pas. Derrière eux, tout près, à les toucher, se presse la foule qui déborde à droite et à gauche.

Tête nue, debout, sans liens, face au grand soleil, admirables de vaillance, les trois jeunes gens se profilent sur l’horizon d’une pureté infinie.

« Vous êtes prêts ? demande Marko dont la voix sèche s’étrangle légèrement.

— Nous sommes prêts ! répond Joannès.

— Tu m’as demandé la faveur de mourir sans liens, debout, et de commander le feu…

« Je t’ai accordé cette faveur… le moment est venu.

— C’est bien, et je te remercie… »

Il cambre sa poitrine en avant et s’écrie d’une voix qui fait taire les cris, les rires, les chuchotements :

« Skipétars[1]… garde à vous ! »

  1. Skipétars est le nom que se donnent les Albanais à l’exclusion de tout autre.