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la terreur en macédoine

Ce sommeil réparateur éteint la douleur de leurs âmes, calme leurs angoisses et retrempe leur juvénile énergie. Maintenant, ils n’ont plus à redouter la suprême défaillance, toujours possible, chez des gens exténués et ils sauront tomber la tête haute, le regard fier, sous les balles de leurs bourreaux.

La journée s’écoule dans un calme absolu. Puis la nuit. Le soleil se lève. Une heure passe encore. On leur apporte de nouveau à manger.

Ce repas sera-t-il le dernier ? Ils ne savent et se gardent bien d’interroger leur pourvoyeur qui pourrait prendre cette curiosité pour de la faiblesse.

Oui, ce sera le dernier, Marko a hâte d’en finir. On vient les chercher. Ils s’embrassent fraternellement et répondent avec fermeté :

« Nous sommes prêts. »

Pas un mot, pas une plainte, pas la plus légère récrimination. Certes, ils souffrent terriblement ; Joannès que torture la pensée de son amour brisé ; Michel et Panitza qui songent au village qu’ils ne reverront plus, aux vieux parents qui pleurent, aux fiancées qui se désespèrent.

Mais leurs traits sont calmes, et chacun dévore en silence la douleur intime qui fait saigner son cœur.

Une troupe nombreuse est rangée devant la demeure de Marko où se trouve l’oubliette. Tous armés jusqu’aux dents, la carabine sur l’épaule, ces hommes accueillent les condamnés par un bref salut de la tête.

De tous côtés accourent, en tumulte, les femmes et les enfants, curieux de contempler de tout près ce spectacle de mort. Marko, théâtralement vêtu de son plus riche costume, arrive flanqué de son léopard.