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milieu de toutes les choses que je vois avec elle, mais dont ses grands yeux ne parlent qu’à l’immensité. Et j’ai de la peine de penser que tout est si bien à sa place et si présent quand elle est là, que c’est dans mon propre regard que sa froideur l’éloigne de moi. »


Il fit signe de la main dans ma direction comme pour me demander de ne pas l’interrompre encore. Je n’ai qu’à fermer les yeux pour entendre résonner à mes oreilles les paroles si tristes qu’il prononça ensuite :
« Je vois ses yeux, ses dents, son front, tout son visage où c’est avec mon regard que sa beauté me tue. Mon pauvre ami, elle a soulevé contre moi l’idée que j’étais vivant. Et je la fuis avec un cœur qui me redit sans cesse : ou elle ou toi. Il me semble qu’elle est dans tout son corps la vanité de mon amour : quand elle me témoigne une espèce d’amitié, je ne peux pas supporter la vue de son visage.
« Trop belle pour que je prétende l’avoir jamais vue. Mon regard s’effaçait devant son visage comme s’il était tombé dans sa beauté au pouvoir d’un autre regard. Ceci est rigoureusement traduit bien que pas très clair pour qui ne l’a jamais ressenti. Avant de la connaître, déjà, je ne pouvais pas fixer quelqu’un de beau sans me sentir en lui scruté par la lumière