Page:Bousquet - Iris et petite fumée, 1939.djvu/120

Cette page a été validée par deux contributeurs.
121


l’empressement qu’il mettait à la satisfaire, je me bornai à l’interroger sur cette bizarre parure, moins pour obtenir une réponse que pour tromper mon impatience en donnant une issue au besoin que j’avais de le questionner.
— Il n’y a qu’une lampe pour tous les fumeurs, me répondit-il sur un ton assez énigmatique, mais chacun s’étend pour rêver dans l’ombre de la bête qu’il veut…
— Vous avez besoin d’une lampe, lui demandai-je, pour fumer ?
— Comme tout le monde, mon ami, quand c’est de l’opium que je fume.
Dans un étui de corne qu’il venait d’ouvrir, il puisa avec l’extrémité d’une aiguille une goutte d’opium et la fit tourner quelques instants au-dessus de la flamme. Il ne paraissait pas entendre les reproches que je m’étais fait une loi de lui adresser, et ne tendit l’oreille que lorsque je parlai du devoir que j’avais, comme médecin et comme ami, de lui confisquer tout son attirail. Ce surcroît d’attention ne l’empêchait pas de surveiller l’extrémité de son aiguille où le liquide brun crachait une perle, bouillait soudain en changeant de couleur, se boursouflait comme un petit beignet dont Monsieur Sureau, par de légers coups contre le verre de la lampe, régularisait les contours. Ensuite, tout en méditant